Une comédie (trop ?) douce comme du chocolat

Publié le par Monsieur Y

En Belgique, on a des politiciens irresponsables, des sportifs sans ambition, et un petit esprit ... Heureusement, on a de grands artistes et un sens du surréalisme, de l'humour,  et de l'auto-dérision extrêmement développés. Benoît Poelvoorde incarne bien ses qualités-là. Depuis que ce géant a explosé de cynisme dans "C'est arrivé près de chez vous", chaque sortie de ses films est un événement. Toute la promotion de la fin d'année 2010 autour de son nouveau film "Les émotifs anonymes" nous promettait donc un agréable moment. Le réalisateur Jean-Pierre Améris a déclaré au moment de la sortie du film qu'il avait écrit le scénario spécialement pour Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré. Il faut bien reconnaître qu'il a eu le pif tant ces 2 acteurs de grand talent se marient bien dans le film (au propre comme au figuré, évidemment).

Jean René est donc patron d'une fabrique de chocolat et a sous sa responsabilité 4 emploiés. La situation financière est assez désastreuse et il se voit obligé d'engager une représentante commerciale pour relancer les contrats en la personne d'Angélique. Celle-ci est en réalité une chocolatière qui n'osera jamais avouer sa réelle fonction. Grâce à son talent caché, elle permettra à la fabrique de retrouver les marchés via une nouvelle gamme de chocolat. Ça, c'est pour l'histoire parallèle et qui sert de prétexte à l'évolution du sentiment amoureux entre nos 2 émotifs. Car oui, Jean-Pierre et Angélique sont d'incroyables timides incapables d'avoir une vie normale et surtout une vie sentimentale normale. La preuve : Jean-René, la quarantaine bien tassée n'a jamais vécu en couple.

Pour vaincre sa peur, Jean-René doit réaliser des exercices données par son psychologue, le premier étant une invitation au restaurant. On y retrouve probablement la meilleure scène du film où le patron ressent le besoin de changer de chemise toutes les 3 minutes car cette timidité le fait transpirer énormément. Angélique n'est pas en reste non plus avec sa désastreuse tentative d'entamer la conversation : "Je me demandais ... que pensez-vous des événements récents au  Moyen-Orient ?" Et la peinture anglaise y passe aussi ... Que ce soit dans le restaurant ou dans la chambre d'hôtel, on trouvera d'excellentes répliques ("Je vais dormir dans le canapé ... mais il n'y a pas de canapé ..."). Alors oui, question rôles, Poelvoorde et Carré jouent très bien, et on sera même surpris de voir notre Benoît national jouer les amoureux timides, lui qui est toujours grande gueule dans le civil.

Néanmoins, le côté négatif du film me semble être le scénario. D'abord, on pourrait critiquer la longueur du film : 1h15 ! Evidemment, "le dîner de cons" avait fait exploser les entrées dans les salles de cinéma en 75 minutes, mais on regrettera les clichés dans le scénario et surtout une fin tellement prévisible avec un mariage en blanc, et surtout cette horrible scène de fin où Poelvoorde et Carré courent à perte de vue. On se croirait dans les mielleuses comédies romantiques qu'on peut voir parfois dans certains films américains. C'est triste à dire, mais si je devais de nouveau regarder le film, c'est pour les répliques forcément ponctuelles et non l'histoire. Evidemment, on pourrait se dire qu'Alméris a voulu privilégier les acteurs et leur personnalité, ce qui serait bien normal, mais on attend d'un film qu'il puisse être regardé d'une traite sans décrocher. On est assez loin d'autres longs-métrages de Poelvoorde, et je ne parle même pas de "C'est arrivé près de chez vous" . On peut regarder 50 fois la scène du veilleur de nuit noir, et elle vous fera toujours autant rigoler, mais les meilleures scènes de "Les émotifs anonymes" ne résisteraient pas à 10 visionnages.

Tout cela est évidemment frustrant à dire. Je vénère Poelvoorde et Isabelle Carré ne doit plus rien prouver. Il faut croire qu'ils avaient décidé de s'amuser sur un thème assez décalé, et grand bien leur fasse. Pour retrouver Benoît-la-grande-gueule, il faudra sans doute retrouver le film avec Dany Boon, et c'est bien là le drame : alors qu'on a 2 acteurs de talent, on a un film assez moyen ... et il faut le cabotin donneur de leçon de Dany Boon pour peut-être récupérer un film plus dynamique et typiquement Poelvoordien. L'avenir nous le dira.

 

Note : 6/10

 

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