U2 et moi : une relation d'amour et de haine

Publié le par Monsieur Y

Je profite du passage de la bande à Bono en Belgique pour donner mon avis sur ce groupe qui ne laisse personne indifférent et qui a beaucoup rythmé ma vie musicale mais aussi politique.

J'ai connu U2 dans les années 80 en même temps que Simple Minds, à l'époque où la new-wave était vénérée. Mais évidemment, je n'avais pas 10 ans, et je n'étais pas trop conscient de ce que j'écoutais. Bref, pendant plusieurs années, j'ai un peu laissé tomber la musique et ce n'est que durant l'adolescence, fort normalement donc, que j'ai recommencé à écouter la new-wave qui m'avait bercé. J'ai aussi été beaucoup attiré par la musique de Tears For Fears, mais c'est vraiment à cette époque que ma vénération de U2 a atteint des sommets. Je repassais en boucle certains albums, certaines compils cassettes de mes frères. Je lisais les paroles et je les connais encore par coeur aujourd'hui malgré la désaffection que je vais raconter après. J'ai acheté certains concerts en VHS dont notamment le concert de Sydney 1993.

Quand est sorti "Pop", j'ai commencé à être décontenancé par la musique de U2, mais le plus grave allait venir. Parallèlement à cette évolution musicale, j'ai évidemment commencé à m'éveiller à la politique. C'était la période de mes études dans une ambiance très gauchisante, voire anarchiste à l'Université Libre de Bruxelles. Bref, il s'est opéré un glissement entre la dérive arrogante et gauche caviar de Bono et mes opinions radicales et donc anti gauche caviar. L'apparition de Bono à côté de Tony Blair, Bill Clinton et Georges Bush ne me plaisaient absolument pas. Les appels à l'humanitaire étaient très loin de me convaincre. Il est facile quand on est riche de demander que les pauvres ou beaucoup moins riches que soi fassent des dons pour les très pauvres. C'est évidemment le vieux débat entre l'engagement radical et l'humanitaire, et mon but n'est pas forcément de le développer ici, mais quand un pays croule sous les dettes qu'il doit aux pays riches, une petite ONG (dont les agissements sont parfois questionnables d'ailleurs) ne peut rien faire ou presque. Mais le plus gros problème pour moi, c'est que le discours de U2 est hypocrite : il demande de faire des dons financiers, mais il déplace sa société de gestion aux Pays-Bas où les impôts pour ce genre d'entreprises sont plus bas. Bref, d'un côté, on demande aux petites gens de faire des efforts, mais les stars ne le veulent pas. Où est la logique ? Où est la justice ?

La fin des années 90 et début des années 2000 furent donc le début du désenchantement pour moi dans ma relation avec U2. J'en avais plus que marre de leur musique mielleuse, sans grande originalité, de leur concerts de mégalomanes, de leur fausseté morale, et de l'arrogance de Bono. Un jour, j'ai décidé d'offrir l'album "All that you can't leave behind" que j'avais acheté à une amie. Purement et simplement. Cela peut paraître bizzare, éventuellement stupide pour certains, mais c'est comme cela. Je n'ai pas déchiré tous les albums que j'avais, néanmoins. Mais de toute façon, la plupart des disques que j'ai sont les anciens où la musique de U2 avait atteint de tels sommets que l'on peut oublier aujourd'hui "l'engagement politique" hypocrite de Bono. A ce titre, la chanson "New Year's day" représente bien cet état d'esprit. Je pense que c'est la chanson la plus aboutie de U2, un joyau, presque de la perfection. Je l'ai encore réécoutée pour préparer cet article :

 

"New Year's Day" parle de la révolte polonaise contre le régime autocratique mis en place par les dirigeants soviétiques. Loin de moi soutenir de telles choses, mais je n'ai jamais accepté qu'on critique en tant que capitaliste ou profiteur du capitalisme des événements qui ont lieu dans l'autre camp, le "communisme", car c'est trop facile. Noam Chomsky a très bien expliqué cela dans "Manufacturing Consent" où il montre que les critiques contre l'assassinat d'un religieux polonais par les forces pro-russes étaient beaucoup plus virulentes que celles adressées aux autorités salvadoriennes contre l'assassinat d'un religieux du pays par les forces locales appuyées par les Etats-Unis. L'hypocrisie est là, et le vrai courage ne sera pas de dénoncer les crimes de l'autre camp (même s'ils existent) mais NOS crimes. Il est évident que si U2 décidait de systématiquement critiquer l'impérialisme US, il n'aurait jamais eu la carrière qu'il a eu. Ce qui permet à Bono de dire tellement souvent "Thanks for giving us a great life !".
Comme dit le groupe de hip-hop Starflam : "Si je gagnais des millions comme Céline Dion, la pauvreté serait conviée dans mon pavillon". Certains trouveront cela très démago, mais cela ne sonnera pas au moins hypocrite aux yeux des gens. Quand on est de gauche, on dénonce ce qui est à l'origine de l'injustice : l'impérialisme, le capitalisme, l'hypocrisie des dirigeants "démocrates", les faux discours des moralistes, ... Les Clash avaient un peu emprunté cette voie-là. A la mort de Joe Strummer, Bono s'était fendu d'une déclaration "Prenez le mode d'emploi des Clash, et vous aurez U2". Ridicule ! Les Clash faisaient des concerts énormes, 8 rappels, pour pas chers, et ils se battaient contre les multinationales pour vendre leurs disques pas trop chers. U2 se borne à faire des concerts de 2 heures et le prix des entrées devient honteux.
Aujourd'hui, donc, U2 a donné son concert à Bruxelles. Elle est loin l'époque où je regardais tous les jours des infos sur U2, où j'écoutais leurs chansons. Aujourd'hui, je ne connais même pas le nom de leur dernier album, et encore moins le nom des chansons évidemment. Il y a une dizaine d'années, j'aurais tellement aimé me rendre à un concert de U2. Aujourd'hui, une venue hypothétique au Pérou ne me ferait pas bouger de mon appartement. Non, aujourd'hui, j'aime beaucoup plus Pearl Jam que U2, et il y a quelques années, toute une symbolique est apparue : Bono critiquait Pearl Jam (et Radiohead) pour de ne pas faire de clips videos afin d'assurer la promotion commerciale de leurs albums. La rupture était consommée, je savais qui je respectais et qui je ne respectais pas.
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