Sus à la croissance !

Publié le par Monsieur Y

S'il y a bien un truc qui m'énerve de plus en plus ces derniers temps, ce sont les appels répétés pour une croissance soutenue afin de solutionner les problèmes socio-économiques. La situation est différente en fonction des pays de la planète, mais les sempiternels discours sur l'importance de cette croissance me fatiguent. Le plus grave, c'est que des organisations syndicales et/ou de gauche soutiennent le même discours.

La croissance économique désigne la variation de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée , généralement une période longue. En pratique, l'indicateur le plus utilisé pour la mesurer est le produit intérieur brut ou PIB. La croissance est alors assimilée à la richesse produite et à son augmentation, celle-ci permettant en tout cas en théorie d'améliorer le niveau de vie. Bien sûr, pour cela, il faut une politique de redistribution des richesses, et c'est la qu'est à mon avis le problème. En effet, pour créer de l'emploi et de la richesse, les entreprises, leurs chefs, et les économistes néo-libéraux ne cessent de dire qu'il faut de la croissance. Pourtant, cette croissance est réelle : en 30 ans, la richesse totale de la France a augmenté de 75% alors que durant la période des années 60, presque tout le monde avait du travail. Bref, il ne devrait y avoir aucun problème de création d'emplois. Donc, il existe réellement un problème de redistribution des richesses dans nos pays développés. La raison de la précarité et du chômage réside donc bien dans la concentration des richesses qui s'est considérablement accrue ces dernières années. La croissance n'est donc pas la solution, mais presque le problème, car elle est utilisée comme prétexte pour accentuer les politiques néo-libérales. Les salaires n'augmenteront pas, que du contraire, et les emplois créés seront précaires. Accepter la croissance, c'est accepter un modèle qui est injuste. La justice serait de refuser un modèle de concentration des richesses et de promouvoir un modèle redistributif, et cela  ne poserait aucun problème. Par exemple, au Vénézuéla cette année, la croissance a été négative, mais cela ne veut pas dire que le pays est en ruines. Les bénéfices des entreprises n'ont simplement pas augmenté comme avant, car ceux-ci ont été redistribués à la population.

Le discours de la croissance est bien présent en Amérique Latine. Les pays néo-libéraux comme le Pérou ou la Colombie ne jurent que par la croissance et leurs dirigeants critiquent la croissance négative du Vénézuéla, tout comme tous les économistes capitalistes du continent. Mais est-ce que le niveau de vie s'améliore plus au Pérou qu'au Vénézuéla ? Est-ce que la santé et l'éducation sont meilleures dans le pays andin ? Est-ce que les salaires sont plus élevés ? Le Vénézuéla a en réalité le deuxième salaire minimum le plus élevé de toute l'Amérique Latine, derrière le Costa Rica. Cette politique a permis d'améliorer substantiellement le niveau de vie de bon nombre de citoyens du pays carribéen. Les entreprises payant plus leurs employés, elles font moins de bénéfices, ce qui explique la croissance négative du pays de Chavez. Où est le problème dans cette situation ? Au Pérou, malheureusement, le discours sur la croissance permet aux riches de dire aux pauvres : "Si vous ne travaillez pas pour la croissance, en clair, si vous faites grève, nous ne nous développerons pas". Résultat, à chaque mouvement social, les journaux néo-libéraux publient les pertes économiques, souvent chiffrées en dizaines ou centaines de millions de soles. C'est donc un discours accusateur qu véhicule le discours sur la croissance. C'est à cause de cela que certaines concessions de terminaux portuaires interdisent les grèves. Où est le progrès là-dedans ?

Cela étant dit, on peut se demander si la croissance est toujours inutile. Il est possible que dans certains pays, la richesse produite soit insuffisante pour assurer le bien-être de certains pays très pauvres. A ce titre, Il est hallucinant de voir le fossé de richesse qui existe entre certains pays. Par exemple, selon ce classement, les Pays-Bas ont un PIB de 794 milliards de dollars alors que le Bengladesh, pays 10 fois plus peuplé a un PIB de seulement 94 milliards. Bref, un rapport de 1 à 85 ! J'ignore si le Bengladesh a la richesse nécessaire pour produire tout ce dont le pays a besoin (et il est possible qu'il existe aussi un problème de géographie et d'aménagement du territoire dans ce pays), mais le fossé montre clairement que les Pays-Bas ont clairement assez d'argent pour subvenir à leurs besoins et que certains pauvres manquent probablement de moyens. Une croissance négative des pays riches qui viendraient aider les pays pauvres seraient alors un symbole de solidarité Nord-Sud.

En résumé, la croissance est inutile pour les pays développés. Elle est simplement le mot magique utilisé par les entrepreneurs pour faire plus de profit et se positionner dans la grande course pour la conquête des marchés. Dans le Sud, le discours de la croissance est un discours accusateur, foncièrement liberticide et anti-social car il empêche les salariés de voir leur salaire augmenter, et si un syndicat a l'outrecuidance de protester, on viendra lui dire qu'il nuit au développement du pays. Il sera alors dénoncé, cloué au pilori et traité d'égoïste ou de traître envers la Sainte Patrie. La croissance est donc contraire au progrès et à l'émancipation de l'homme.

 

Publié dans Fuck the system

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